Je m’apprêtais à ouvrir une bouteille lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air fou quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Cornélia.
- Y’a d’la pluie on dirait qu’c’est du sang. Y'a pas d'garrot pour les nuages?
Pourquoi en auraient-ils besoin ?
- On en a tous besoin.
Vous avez besoin d’un garrot ?
- Oui. Non. Vous m’amputez quand ? Nan parce que j’attends là, vous savez, le nez dans une vitre qui ne donne sur rien d'autre qu’un mur de béton. Quand je plonge dedans c’est tout dur on dirait un amalgame d’âmes mortes qui se serrent les unes contre les autres pour ne plus avoir froid mais elle claquent des dents ça fait comme des ricochets de dentiers. Elles sont là toutes serrées comme des pingouins mais sur un sol marécageux, raviné et instable, pas du tout une banquise, lisse et pure non, un truc goudronneux et sale et boueux. Ils se retiennent aux ailes des autres pour ne pas glisser mais vous savez ils finiront bien par tomber. La boue ça ne colle pas, ça emmène juste en bas de la colline, tout en bas où personne n’a le courage de remonter. Même pas les pingouins alors les âmes vous pensez bien.
Pourquoi voulez-vous que je vous ampute ?
- Docteur je m’interroge sur vos capacités. Pour éviter le trop plein évidemment, je craque aux coutures, vous ne les voyez pas les morceaux de moi tomber par ci par là, les miettes de tripes du p’tit Poucet, des traînées de chemin juste bonnes pour les vautours ? Je veux du vide, je veux du rien, une anesthésie du coeur, une vie sans vie. Alors vous m’amputez du ventricule, droit ou gauche c’est votre problème, voyez avec vos confrères, et vous me rendez ma vie d’automate bien tranquille hein. Celle que je n’ai jamais eue. Et par pitié faites vite, on dirait que je ne peux plus attendre.
À votre avis, comment va se dérouler l’opération ?
- Je suppose que vous allez prendre votre scalpel, que vous allez le poser sur les veines de mon poignet, que ça deviendra une tronçonneuse, des éclats d’os partout et le bras exsangue, que vous foutrez votre bras bien profond dans le trou noir de la plaie et remonterez jusqu’au coeur comme un vers vorace, y’aura de l’écarlate qui palpitera partout et avec votre pouce replié sur votre index vous me ferez un truc de toubib dans les ventricules et puis après je ne sentirai plus rien et tout sera tranquille comme un champ de bataille où des corps sourient et où les corbeaux croassent en s’étouffant avec des lambeaux d’yeux et où tout le monde s’en fout car la guerre est finie. Je suppose Docteur que ce sera vite fait bien fait. Et qu’après je vous dirai merci. Vous me direz juste « c’est mon travail, c’est tout naturel » mais vous et moi on saura que vous m’aurez sauvé la vie.
- Qu’est-ce qu’elle fait là ?
- Rien. Elle parle.
- À qui ?
- Ça n’a pas d’importance.
- Mais on va pas la laisser là quand même ?
- Qu’est-ce que vous voulez faire ? On n’a plus d’place dans cet hôpital.
- Mais on n’est pas dans un hôpital là, c’est la vie ?
- On voit bien que vous êtes novice. Regardez bien. Elle s’est endormie.
- Oui mais quand même, il flotte du sang.
- Arrêtez-donc de jouer avec ses lunettes rouges, jetez-moi ça, et demain quand elle se réveillera vous lui en donnerez des bleues, pour qu’elle voie tout plus joli.
- ... Mais on est à court de lunettes bleues...
- Ne vous inquiétez pas, elle en a plein de paires. Elle les mettra demain. J’vous dis, elle est guérie.
- Y’a d’la pluie on dirait qu’c’est du sang. Y'a pas d'garrot pour les nuages?
Pourquoi en auraient-ils besoin ?
- On en a tous besoin.
Vous avez besoin d’un garrot ?
- Oui. Non. Vous m’amputez quand ? Nan parce que j’attends là, vous savez, le nez dans une vitre qui ne donne sur rien d'autre qu’un mur de béton. Quand je plonge dedans c’est tout dur on dirait un amalgame d’âmes mortes qui se serrent les unes contre les autres pour ne plus avoir froid mais elle claquent des dents ça fait comme des ricochets de dentiers. Elles sont là toutes serrées comme des pingouins mais sur un sol marécageux, raviné et instable, pas du tout une banquise, lisse et pure non, un truc goudronneux et sale et boueux. Ils se retiennent aux ailes des autres pour ne pas glisser mais vous savez ils finiront bien par tomber. La boue ça ne colle pas, ça emmène juste en bas de la colline, tout en bas où personne n’a le courage de remonter. Même pas les pingouins alors les âmes vous pensez bien.
Pourquoi voulez-vous que je vous ampute ?
- Docteur je m’interroge sur vos capacités. Pour éviter le trop plein évidemment, je craque aux coutures, vous ne les voyez pas les morceaux de moi tomber par ci par là, les miettes de tripes du p’tit Poucet, des traînées de chemin juste bonnes pour les vautours ? Je veux du vide, je veux du rien, une anesthésie du coeur, une vie sans vie. Alors vous m’amputez du ventricule, droit ou gauche c’est votre problème, voyez avec vos confrères, et vous me rendez ma vie d’automate bien tranquille hein. Celle que je n’ai jamais eue. Et par pitié faites vite, on dirait que je ne peux plus attendre.
À votre avis, comment va se dérouler l’opération ?
- Je suppose que vous allez prendre votre scalpel, que vous allez le poser sur les veines de mon poignet, que ça deviendra une tronçonneuse, des éclats d’os partout et le bras exsangue, que vous foutrez votre bras bien profond dans le trou noir de la plaie et remonterez jusqu’au coeur comme un vers vorace, y’aura de l’écarlate qui palpitera partout et avec votre pouce replié sur votre index vous me ferez un truc de toubib dans les ventricules et puis après je ne sentirai plus rien et tout sera tranquille comme un champ de bataille où des corps sourient et où les corbeaux croassent en s’étouffant avec des lambeaux d’yeux et où tout le monde s’en fout car la guerre est finie. Je suppose Docteur que ce sera vite fait bien fait. Et qu’après je vous dirai merci. Vous me direz juste « c’est mon travail, c’est tout naturel » mais vous et moi on saura que vous m’aurez sauvé la vie.
- Qu’est-ce qu’elle fait là ?
- Rien. Elle parle.
- À qui ?
- Ça n’a pas d’importance.
- Mais on va pas la laisser là quand même ?
- Qu’est-ce que vous voulez faire ? On n’a plus d’place dans cet hôpital.
- Mais on n’est pas dans un hôpital là, c’est la vie ?
- On voit bien que vous êtes novice. Regardez bien. Elle s’est endormie.
- Oui mais quand même, il flotte du sang.
- Arrêtez-donc de jouer avec ses lunettes rouges, jetez-moi ça, et demain quand elle se réveillera vous lui en donnerez des bleues, pour qu’elle voie tout plus joli.
- ... Mais on est à court de lunettes bleues...
- Ne vous inquiétez pas, elle en a plein de paires. Elle les mettra demain. J’vous dis, elle est guérie.