mardi 27 novembre 2007

Schizo-Fernand

Je m’apprêtais à ouvrir une clémentine lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air fataliste quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Fernand.

Mes yeux avaient perdu dix kilos. Dix kilos ou plus. De rêve. Assis comme on tremble, les yeux sur le gouffre et les mains bien accrochées sur ma falaise, mais juste au bord de cette putain de rivière qui clapote comme les œillades d’une vieille pute qu’on ne regarde même plus. Une rivière c’est comme une pute : ses clin d’œil de reflets c’est que son boulot ça ne veut rien dire elle fait les mêmes à tout le monde, la rivière. Y’a pas plus de tziganes qui dansent sous la lune de ses clapots que d’amour sous les jupes qui se traînent dans un tripot dégueu. Les rêveurs sont des amateurs. Quelque chose sans doute s’était bien cassé dans mes yeux, que je ne me préparais pas à réparer.
J’étais comme à milles miles de toutes les terres habitées, et le dégoût m’a pris quand j’ai entendu cette petite voix familière qui disait : «Dessine-moi un mouton.»
- Je n’en vois pas l’intérêt. Tu devrais t’en aller.
- Il faut un intérêt ?
J’ai soupiré. La tête qui bute sur les étoiles sales sans même le mal de crâne et les yeux dans rien qui puisse les accrocher même pas un crochet de boucher ni même un cul de femme.
- J’ai passé l’âge.
- C’est lequel, le bon âge ?
Il se grattait la tignasse comme on gratouille un chien mais sans la queue qui bat l’air de plaisir et sans les couilles qui vibrent et c'est drôle et sans rien.
- Celui des envies, j’ai répondu.
Puis j’ai tourné la tête et me suis recroquevillé avec fatigue sur mes jambes sales, collées sous mon menton, mes bras autour d’elles, elles sentaient comme mon âme, une odeur âpre et tenace et la rivière n’avait pas plus de reflets qu’avant ou alors si, pour ceux qui croient aux mensonges.

Bien après le petit prince était toujours là, attentif comme dans l’attente, les yeux fixés sur ce que je ne voyais pas. Il me dit :
- Regarde il y a un renard ! puis après : Tu ne le vois pas ?
En me remettant le bas du pantalon je l’ai fixé, mes yeux tout noirs dans les siens tout fragiles :
- Regarde mes yeux. Regarde-les bien.
- Je ne vois rien.
- Pourtant ils sont bien là.
Il baissa la tête.
- Tu vois, tu as compris, p’tit.
Sans baisser la tête je grattais mon genou. Y’a des croûtes sous la toile c’est sûr.

- Elle s’agite la rivière, dit-il.
- N’y prête pas attention.
- Si, on dirait qu’elle s’en va.
- Si quelque chose doit partir crois-moi ce n’est pas la rivière.
- Je ne vois pas pourquoi tout devrait être prévisible.
J’ai fait un effort et plissé mes yeux.
- Tu as peut-être raison. Il semblerait bien qu’elle se tire…
Il a rallumé son mégot comme on dit je te l’avais bien dit. Sans plus. Parce qu’il ne sert pas tant que ça de convaincre.
Elle s’est bel et bien retirée cette chienne d’eau, elle et ses reflets de rien sauf de linceul de morgue froide, ses vaguelettes frissonnantes et ses soubresauts givrés, ses petites branches d’arbre dans elle où même les p’tits oiseaux ne sont plus glacés dessus, leurs petites plumes stalactites, leur petite peau grise en frissons, ils sont partis à temps ou pas, ou ils sont juste noyés congelés sur leurs bouts de bois qui ont craqué de froid et sont juste tombés là, dans l’eau.
- Tu vois bien qu’elle est partie.
Son mégot s’éteint, au petit prince, et il le prend entre le pouce et l’index ; il le jette et il tombe sur la terre. Qui craque de soleil. Du soleil dans les craquelures, sûr qu’il va plus loin et qu’il réchauffe jusqu’à des kilomètres dessous, il nous plombe le soleil. Il faut mettre un chapeau.

- Tu les vois ?
- Sûr. Qu’est-ce que c’est beau.
- Qu’est ce qui t’a fait changé d’avis ? m’a demandé le petit prince.
- Sur quoi ?
- Sur les moutons ?
- J’crois pas que j’ai changé d’avis. On dirait que c’est plutôt eux.
Et sur les chevaux qui jaillissaient de la terre sous nous et nous soulevaient on pouvait embrasser la vallée blanche de laine, des milliers de moutons et d’agneaux bêlant. Et la terre n’était plus craquelée. Et la terre était verte. De la bonne herbe comme on se roulerait bien dedans. Grasse avec des fleurs. Y’avait même plus besoin d’en dessiner un, de mouton, y’en avait des dizaines qui nous caressaient les cuisses et sous nos pantalons rêches on sentait leur laine douce et chaude et de l’autre côté sur nos mollets y’avait les flancs de nos chevaux qui respiraient, brûlants. Et avec le petit prince on riait bien. Je lui disais « je n’aurais même pas su t’en dessiner un, de mouton », « maintenant ce n’est plus la peine » répondait-il en caressant les oreilles de son cheval, à la base, là où c’est tout doux, «y’en a plein. »
Et on a même vu un renard.
Il s’est approché comme une danseuse hésitante, le museau à droite puis à gauche. C’était une renarde. Et puis soudain derrière elle ses petits, des petites boules fauves qui jouaient dans les pattes de nos chevaux. On aurait dit que c’était nos rires qui faisaient flotter nos cheveux tellement on était heureux.
Plus tard, bien plus tard, le vent s’est levé.

- La vie n’est pas juste, m’a dit le petit prince.
- Je ne crois pas que ce soit son boulot.

- Il fait froid, m’a dit le petit prince.
- C’est pas grave, on est deux.
- Ça ne changera rien, répondit-il comme on s’endort, la voix pâteuse.
- Ça a déjà tout changé.

On s’est serré fort et la bouteille a roulé par terre, vide et gelée.
Gelée comme nous.
Et la rivière est revenue. Et avant que je ferme les yeux, ses reflets d’argent sous la lune m’ont adressé un dernier clin d’œil. Je me suis émerveillé comme quand j’étais enfant.
Et cette nuit là sous le vent froid la rivière froide cette vieille pute m’a dit au revoir comme à demain et cette nuit là j'ai fait semblant de la croire.


lundi 26 novembre 2007

Schizo-j'ai pas été là depuis longtemps je m'essplique

C’est la faute de Cormac McCarthy et surtout de sa putain de Trilogie des Confins.
Ça a été la même après cet enculé de Column McCann.
Et la même après ce connard de Chuck Palahniuk.

Mais là c’est pire. Cormac McCarthy c’est pire. L’orgasme de le lire a surpassé, piétiné, noyé dans du caca le plaisir que j’avais à mettre des mots les uns à côté des autres pour faire des phrases. Comme après une grande histoire d’amour, le reste devient insipide, et on n’a plus envie de rien faire.
Enculé.

(Je ne désespère pas de revenir dans les jours prochains, des Picsou Magazine et autres Marc Levy (ouh c’est pas gentil) ayant calmé mes émotions.
La vie peut donc reprendre son cours normal. À très bientôt.)

Salaud.

PS : sinon j'ai été un peu balade aussi, non non, ça va bieux, berci beaucoup, et puis totally surbookée, bref, tout tout plein d'excuses. (d'ailleurs, si je ne fais plus trop mes devoirs bloguesques, c'est aussi la faute de STV qui aimerait bien que j'écrive des trucs plus gais alors que je ne sais pas faire. STV tu m'emmerdes.)