dimanche 16 décembre 2007

Schizo déménage !

Ouaip !

Je me casse, je vais làààààààà !
Les raisons ? euh, ben, j'avais rien à faire ce samedi après-midi. En plus les liens de vos sites ne s'affichent plus quand vous laissez un commentaire si vous êtes chez un autre hébergeur que celui-ci, ce qui m'ennerve comme un poil pubien dans la soupe d'un restaurant qui se la joue.
Ce qui fait déjà deux bonnes raisons.
Et puis je voulais une mise en page qui pète. Funky groovy avec une bannière perso et tout et tout. Vous m'en direz des nouvelles ! (ben quoi, vous allez pas m'abandonner???)

En fait, je ne peux pas vous mentir plus longtemps, évidemment, rien ne s'est passé comme prévu (ben tiens!).
Je suis allée visiter over-blog, je n'y ai pas trouvé ce que je voulais (parce que je suis un peu niaise (tout court, mais surtout en informatique) et que je trouvais ça bien compliqué) et donc j'ai essayé de supprimer le nouveau blog que j'avais créé.
Après 1 heure d'essais infructueux, je me suis dit, que %*§§§&%€ fait chier, tant pis je reste.
Du coup, oubliée la bannière avec des nibards funky*, c'est d'une triste sobriété, m'enfin ici c'était pas l'éclate non plus au niveau de la mise en page donc...
J'y ai remis les trois derniers textes (comme on emporte son lit, son nounours et sa balayette à chiotte (si!) dans son nouvel appart) et très habilement (ouais ben ne riez pas, c'était pas gagné) copié-collé vos commentaires (mais plutôt mal) parce que plus on est de fous, moins on s'ennuie, et puis ça aurait été triste sans vous, et puis je vous z'aime et puis tiens, comme c'est la pendaison de crémaillère, bim, cacahuètes et une nouvelle note !

Alors, vous viendez les copains ? c'est par !

*je sais qu'il y a un moyen mais j'y arrive pas j'vous dis !

jeudi 13 décembre 2007

Schizo-Louis

Je m’apprêtais à ouvrir une noisette lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air qui sentait la nature quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Louis.

Il continuait de se consumer, doucement, bientôt il ne resterait que les racines, protégées par leur cercueil de terre compacte. On dit qu’ils ne souffrent pas, les arbres. Qu’ils vivent et qu’ils meurent, que c’est à peu près tout.
La foudre a dû frapper hier, sur le premier venu, seul dans son champ, tranquille gardien de rien, humble sentinelle des herbes, des vaches et de leurs veaux, ses hôtes pleurotes grandissant comme des fleurs sur son tronc, comme des petits pendus aux lourdes mamelles de leur mère. La foudre a frappé mais la pluie n’est pas venue, le ciel ici a juste lâché son anthracite et son feu, et gardé le reste. Passé son chemin comme un gamin qui vient de faire une blague dont il n’est pas très fier et qui a mal tourné. Qu’il ne peut pas réparer. Même que s’excuser ne servirait à rien, mieux vaut filer.

J’ai regardé le ciel, puis l’arbre, et le champ et les collines derrière les barrières, les quelques vaches ruminant avec une douceur patiente, comme si c’était juste ça la vie, avaler, quatre estomacs pour bien digérer, et que c’était bien comme ça. Que ne pas le faire n’empêcherait pas demain de venir mais que demain serait plus dur sans alors autant le faire, sagement. Moi certaines choses que j’avale je ne les digère pas, elles rôdent dans mon corps et partout je les sens, elles me rendent fou depuis longtemps. J’ai bien regardé les vaches, l’une a tourné un œil mi-inquiet mi-sage vers moi, s’est figée un instant, une mousse herbeuse à la bouche, comme pour me donner son accord. Derrière moi l’arbre toujours se consumait, et je me demandais en m’accroupissant si je ne devrais pas prendre les pleurotes pour ce soir. Parce que qui sait, j’aurai peut-être enfin faim.

Quand j’ai commencé à gratter le sol avec un caillou j’étais tout à fait sûr que c’était l’endroit parfait. J’ai fait un petit trou. J’ai pris dans la poche de mon vieux pantalon le bout de tissu que j’ai étalé par terre près du trou. En l’ouvrant, mes doigts qui le touchaient j’avais l’impression qu’ils pleuraient, et moi j’avais du mal à respirer. J’ai enlevé de mon vieux doigt tâché de terre mon alliance, elle a eu du mal à partir, mes mains sont un peu gonflées. La sienne était sur le bout de tissu. Alors j’ai pris l’une et l’autre et je les ai mises dans le trou. Très vite. J’ai remis la terre, des petits bouts d’herbe et un ver de terre, tout ça dessus leur métal.
Et puis ça a été tout comme un commencement.

- Ça ne sert à rien que les alliances soient séparées, nos corps le sont déjà.
- Mais tu ne peux pas l’enterrer sans. Ça ne se fait pas.
- Sûr je peux.
Tu sais, je l’entends encore rire.
- Je sais.

Il a commencé à pleuvoir, une pluie timide. Comme de petites mains posées légèrement sur mes épaules. Rien ni personne n’a levé la tête de l’herbe alors que je partais. Les petites gouttes m’enrobaient, on aurait dit qu’elles me tenaient chaud. La pluie a duré trois jours, je m'en souviens.

Ça fait bien des années maintenant. Et je ne suis pas revenu dans le champ. J’irai probablement bientôt. Vers la fin. Et je sais bien ce que je trouverai.
Un vieil arbre frappé par la foudre il y a bien longtemps, la tête calcinée et en bas, ça et là de nouvelles branches et de nouvelles feuilles, là où la sève a continué à passer, tandis que le reste du bois s’éteignait.
Tranquille sentinelle, caressant d’ombre un petit veau qui dort.

mardi 27 novembre 2007

Schizo-Fernand

Je m’apprêtais à ouvrir une clémentine lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air fataliste quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Fernand.

Mes yeux avaient perdu dix kilos. Dix kilos ou plus. De rêve. Assis comme on tremble, les yeux sur le gouffre et les mains bien accrochées sur ma falaise, mais juste au bord de cette putain de rivière qui clapote comme les œillades d’une vieille pute qu’on ne regarde même plus. Une rivière c’est comme une pute : ses clin d’œil de reflets c’est que son boulot ça ne veut rien dire elle fait les mêmes à tout le monde, la rivière. Y’a pas plus de tziganes qui dansent sous la lune de ses clapots que d’amour sous les jupes qui se traînent dans un tripot dégueu. Les rêveurs sont des amateurs. Quelque chose sans doute s’était bien cassé dans mes yeux, que je ne me préparais pas à réparer.
J’étais comme à milles miles de toutes les terres habitées, et le dégoût m’a pris quand j’ai entendu cette petite voix familière qui disait : «Dessine-moi un mouton.»
- Je n’en vois pas l’intérêt. Tu devrais t’en aller.
- Il faut un intérêt ?
J’ai soupiré. La tête qui bute sur les étoiles sales sans même le mal de crâne et les yeux dans rien qui puisse les accrocher même pas un crochet de boucher ni même un cul de femme.
- J’ai passé l’âge.
- C’est lequel, le bon âge ?
Il se grattait la tignasse comme on gratouille un chien mais sans la queue qui bat l’air de plaisir et sans les couilles qui vibrent et c'est drôle et sans rien.
- Celui des envies, j’ai répondu.
Puis j’ai tourné la tête et me suis recroquevillé avec fatigue sur mes jambes sales, collées sous mon menton, mes bras autour d’elles, elles sentaient comme mon âme, une odeur âpre et tenace et la rivière n’avait pas plus de reflets qu’avant ou alors si, pour ceux qui croient aux mensonges.

Bien après le petit prince était toujours là, attentif comme dans l’attente, les yeux fixés sur ce que je ne voyais pas. Il me dit :
- Regarde il y a un renard ! puis après : Tu ne le vois pas ?
En me remettant le bas du pantalon je l’ai fixé, mes yeux tout noirs dans les siens tout fragiles :
- Regarde mes yeux. Regarde-les bien.
- Je ne vois rien.
- Pourtant ils sont bien là.
Il baissa la tête.
- Tu vois, tu as compris, p’tit.
Sans baisser la tête je grattais mon genou. Y’a des croûtes sous la toile c’est sûr.

- Elle s’agite la rivière, dit-il.
- N’y prête pas attention.
- Si, on dirait qu’elle s’en va.
- Si quelque chose doit partir crois-moi ce n’est pas la rivière.
- Je ne vois pas pourquoi tout devrait être prévisible.
J’ai fait un effort et plissé mes yeux.
- Tu as peut-être raison. Il semblerait bien qu’elle se tire…
Il a rallumé son mégot comme on dit je te l’avais bien dit. Sans plus. Parce qu’il ne sert pas tant que ça de convaincre.
Elle s’est bel et bien retirée cette chienne d’eau, elle et ses reflets de rien sauf de linceul de morgue froide, ses vaguelettes frissonnantes et ses soubresauts givrés, ses petites branches d’arbre dans elle où même les p’tits oiseaux ne sont plus glacés dessus, leurs petites plumes stalactites, leur petite peau grise en frissons, ils sont partis à temps ou pas, ou ils sont juste noyés congelés sur leurs bouts de bois qui ont craqué de froid et sont juste tombés là, dans l’eau.
- Tu vois bien qu’elle est partie.
Son mégot s’éteint, au petit prince, et il le prend entre le pouce et l’index ; il le jette et il tombe sur la terre. Qui craque de soleil. Du soleil dans les craquelures, sûr qu’il va plus loin et qu’il réchauffe jusqu’à des kilomètres dessous, il nous plombe le soleil. Il faut mettre un chapeau.

- Tu les vois ?
- Sûr. Qu’est-ce que c’est beau.
- Qu’est ce qui t’a fait changé d’avis ? m’a demandé le petit prince.
- Sur quoi ?
- Sur les moutons ?
- J’crois pas que j’ai changé d’avis. On dirait que c’est plutôt eux.
Et sur les chevaux qui jaillissaient de la terre sous nous et nous soulevaient on pouvait embrasser la vallée blanche de laine, des milliers de moutons et d’agneaux bêlant. Et la terre n’était plus craquelée. Et la terre était verte. De la bonne herbe comme on se roulerait bien dedans. Grasse avec des fleurs. Y’avait même plus besoin d’en dessiner un, de mouton, y’en avait des dizaines qui nous caressaient les cuisses et sous nos pantalons rêches on sentait leur laine douce et chaude et de l’autre côté sur nos mollets y’avait les flancs de nos chevaux qui respiraient, brûlants. Et avec le petit prince on riait bien. Je lui disais « je n’aurais même pas su t’en dessiner un, de mouton », « maintenant ce n’est plus la peine » répondait-il en caressant les oreilles de son cheval, à la base, là où c’est tout doux, «y’en a plein. »
Et on a même vu un renard.
Il s’est approché comme une danseuse hésitante, le museau à droite puis à gauche. C’était une renarde. Et puis soudain derrière elle ses petits, des petites boules fauves qui jouaient dans les pattes de nos chevaux. On aurait dit que c’était nos rires qui faisaient flotter nos cheveux tellement on était heureux.
Plus tard, bien plus tard, le vent s’est levé.

- La vie n’est pas juste, m’a dit le petit prince.
- Je ne crois pas que ce soit son boulot.

- Il fait froid, m’a dit le petit prince.
- C’est pas grave, on est deux.
- Ça ne changera rien, répondit-il comme on s’endort, la voix pâteuse.
- Ça a déjà tout changé.

On s’est serré fort et la bouteille a roulé par terre, vide et gelée.
Gelée comme nous.
Et la rivière est revenue. Et avant que je ferme les yeux, ses reflets d’argent sous la lune m’ont adressé un dernier clin d’œil. Je me suis émerveillé comme quand j’étais enfant.
Et cette nuit là sous le vent froid la rivière froide cette vieille pute m’a dit au revoir comme à demain et cette nuit là j'ai fait semblant de la croire.


lundi 26 novembre 2007

Schizo-j'ai pas été là depuis longtemps je m'essplique

C’est la faute de Cormac McCarthy et surtout de sa putain de Trilogie des Confins.
Ça a été la même après cet enculé de Column McCann.
Et la même après ce connard de Chuck Palahniuk.

Mais là c’est pire. Cormac McCarthy c’est pire. L’orgasme de le lire a surpassé, piétiné, noyé dans du caca le plaisir que j’avais à mettre des mots les uns à côté des autres pour faire des phrases. Comme après une grande histoire d’amour, le reste devient insipide, et on n’a plus envie de rien faire.
Enculé.

(Je ne désespère pas de revenir dans les jours prochains, des Picsou Magazine et autres Marc Levy (ouh c’est pas gentil) ayant calmé mes émotions.
La vie peut donc reprendre son cours normal. À très bientôt.)

Salaud.

PS : sinon j'ai été un peu balade aussi, non non, ça va bieux, berci beaucoup, et puis totally surbookée, bref, tout tout plein d'excuses. (d'ailleurs, si je ne fais plus trop mes devoirs bloguesques, c'est aussi la faute de STV qui aimerait bien que j'écrive des trucs plus gais alors que je ne sais pas faire. STV tu m'emmerdes.)

mardi 30 octobre 2007

Schizo-Madeleine

Je m’apprêtais à ouvrir la gazette normande lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air perdu quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Madeleine.

J’ai vu le vent. En tendant la main je le voyais. Il était gris, il était bleu, il était lourd et marin et chargé de marée basse, de gamines qui vont aux crevettes, de parents qui trouvent que le temps pue lui et son crachin mais oh regarde, une crevette, nan deux. Un de ces vents traîtres qui nous enlacent comme des amants avant de nous quitter comme des lâches. À la tu crois que je t’aime là sur la plage avec la mer au fond et partout mais je te serre parce que je te quitte tu vas morfler tu vas gémir tu vas mourir et y’aura que moi tout autour de toi personne ne t’entendra. Partout, ici, et là, tout loin au phare, tout près au ponton, enrobant et en tourbillons sur la digue, oppressant et en bourrasques sur le sable, ce sale vent. Normand, un vent de fin de saison avec des relents de vagues qui pourrissent vite. Et sentent mauvais.

J’ai vu les goélands. Des ailes comme de grandes chauve-souris mais blanches ou gris clair comme au paradis. Et des mouettes parmi eux, criiiin criiiin ça a fait vibrer mes tympans et le reste mais je ne sens pas grand chose ou alors trop et comme je ne sais pas je regarde. Et tous les goélands et les mouettes et peut-être un cormoran égaré tous ils tombent sur terre comme s’ils avaient été mitraillés ; ils s’abattent. Le sable mouillé ne se soulève même pas y’a que mon coeur qui a des hauts puis des bas et probablement à la fin plus de hauts et dans le ciel il n’y a bientôt plus que des cerfs-volants mais plus d’oiseaux ils sont tous descendus ils sont tous là ils sont sur le sable en amas et c’est devant moi et puis soudain les enfants ramènent leurs cerfs-volants et leurs rires chez eux et le soir s’abat.

Avec la nuit qui tombe les goélands s’envolent on dirait qu’ils ont peur ça fait des froufrous de plumes et les taches rouges sur leurs becs vibrent alors que le soleil lui ce soir manque de rouge : un peu pâle, ses reflets sur l’eau qui l’attend sont jaune pisseux ça ressemble à du sale mais quand même il va bien finir par se jeter dedans. Et les oiseaux qui s’éloignent lèvent le rideau sur les algues qui sentent la mer perdue.
Les algues envahissent tout : elles sont vertes et brunes et noires dans le bleu qui tombe laissant place à la nuit et elles s’enlacent pour ne pas se perdre jusqu’à la prochaine marée mais la marée s’en fout et elles sont déjà presque ailleurs les algues, bonnes à rien, qu’à rester et à compter les heures. Elles s’emberlificottent, elles se tourbillonottent les unes dans les autres et leurs reflets huileux sous la lune qui se lève seront bientôt secs comme des yeux de vieux qui n’attendent plus grand chose.

Et alors j’ai vu les bernards l’hermitte. ‘Sont arrivés. Et leur petite armée de pattes. Crac crac sur le sable ça a fait. Crac crac sous les algues qui pourrissent. Une autre marée sur terre en attendant la mer. Scrounch scrounch et puis ploc ploc le choc de leurs coquilles. Ils sortent sous la lune ils s’entassent ils viennent bouffer faut bien. Et je suis restée là, attendant qu’ils terminent, et qu’ils rentrent et que la lune aussi s’en aille et que la marée revienne et qu’avec ses caresses elle reprenne ce qui reste, ce que la vie a laissé, les lambeaux que les goélands n’ont pas réussi à arracher, les chairs que les algues n’ont pas réussi à putréfier, les miettes que les bernards l’hermitte repus et pressés ont abandonnées. Tout ça la mer et ce qu’il y a dedans va s’en charger. Jusqu’à demain. Puis elle va s’en aller. Puis repartir et revenir jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
Plus rien de mon bébé. Sur la plage même plus de petits bras de petites mains potelées sur des châteaux de sable, le sable il va juste et il vient et recouvre et découvre mais bientôt il ne restera plus rien. Et ce petit rien sera perdu sous les algues.

C’est mon nourrisson. Et puis les gens peuvent pas comprendre. Et puis les cerfs volants reviendront demain. Et les goélands et les algues et le vent et les bernards l’hermitte, s’il reste quelquechose.
Et je l’ai revu là ce soir, par hasard, bizarrement, avec ses petits plombs dans sa couche. Sur la plage.
On dirait que je n’avais pas été assez loin.
Et puis je m’avance et puis la marée monte.
Et puis comme ça elle nous prendra tous les deux.


samedi 13 octobre 2007

Schizo-Willie

Je m’apprêtais à ouvrir un pot de miel lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air moite quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Willie.

Ce n’est même plus le café qui laisse des ronds noirâtres sur la table mais la crasse. Des auréoles sales pour des saints en enfer. Des restes de bière collés aux cendres et qui s’agrippent à nos coudes comme des morbacks, des traces de doigts qui ont piétiné mille fois le formica sans trouver la sortie de ce petit carré d’oubli. Près du comptoir une demi-vieille laisse voir ses vieux tatouages qui vibrent au son de sa peau flasque, ils jouent les accords d’une vie passée mais toujours en devenir de rien, et elle elle marche comme on rampe, la main puis la bouche et de nouveau la main sur le péché, et demain la gueule de bois en châtiment ; tu vomiras dans la souffrance. Et les yeux de tous rotent comme quand on a trop vu mais qu’on n’a pas la force de fermer les paupières, leurs yeux rotent pour faire de la place et continuer à voir, et tous ils la lapent du regard et ils rient et se moquent mais tous, tous sans exception ils se disent « ce soir ce sera p’têt moi. Oui, ce soir ce sera moi » et ils retournent à leurs verres leurs potes et leur misère. Le monde n’a pas deux trous du cul : il n’en a qu’un seul et c’est ici. Au carrefour de rien. Rien d’autre qu’un motel et un bar et quelques caravanes et une décharge. Des gens et des fusils, pour les lapins et les coyotes, et quelques pauvres fermes et quelques maigres vaches et quelques porcs qui n’en finissent plus de hurler quand on les égorge. Quand il crie le porc on dirait que c’est une partie de notre âme qui s’en va. Tellement ça fait mal. Et puis on le bouffe. Et puis on boit.

Bienvenue en enfer.

Jerry nous raconte pour la centième fois une histoire qui n’en est pas une. On invente. Tous. Parce qu’ici il ne se passe rien. On invente et puis si l’histoire est bonne, on répète. Et chacun boit les mensonges comme si il y croyait. Et on se sent vivre. Comme quand Big Joe s’est envoyé cette belle de jour qui avait deux cons « j’vais où, j’choisis lequel ??? heureusement qu’ma bite a un radar ! ». Comme quand Johnny Quat’ yeux a parcouru les plaines sur une licorne, qu’elle était belle et blanche et douce et sur elle au galop il étendait ses mains et il touchait le monde et ça frétillait comme un poisson c’était tout frais et bon et ce jour là il était complètement fait et ce jour là on ne riait pas on rêvait. Mais Johnny Quat’yeux ne raconte plus cette histoire, vu qu’il roupille dans la poussière, mais nous on se souvient : « Johnny et sa licorne… Tu crois qu’il en repasse de temps en temps ? Comme ça, dans les plaines, pour s’envoler un peu ? »

Pete est boursouflé, une septicémie qui commence qu’il dit, un furoncle mal passé qu’il s’esclaffe, et toute sa trogne est en feu et on se marre et on lui dit qu’avec tout le pus qu’il a dans la joue on pourrait alimenter la région entière et il rit et il pue parce que ça remue la sueur et qu’ici on dégouline. Faut bien qu’ça sorte. Tout pue. Les rires sentent le vieux houblon chaud, les chiottes ne sentent même plus l’humain : ça prend tellement au tripes qu’on préfèrerait que ça sente l’urine et la merde mais ça sent le malheur et ça sent le rien. Qu’est-ce que ça daube le rien. Blanca n’y va même plus pour nettoyer. Blanca derrière le bar elle a les yeux creux d’une fille de vingt huit ans qui a perdu. Elle est vide. Tellement qu’elle est vide elle n’a plus besoin de boire. Elle est là à servir avec ses pupilles en trou noir comme un puits sans fond et Dan derrière ne mate même plus ses fesses maigres sous sa jupe courte et crade et nous on évite de la regarder. Comme on évite les miroirs. Une blague ou deux comme ça parce qu’il faut bien mais son sourire fou nous fait du mal. Elle est partie ailleurs dans sa tête, tellement elle est coincée ici. J’dois dire qu’elle a bien d’la chance. C’est comme si elle était partie en vrai. Ouais, d’la chance.

On est la lie de l’humanité. Des fions dans le trou du cul du monde. Pas de tune pour partir, et l’envie qui se carapate chaque jour un peu plus.

On ne vit pas, on attend. Et on n’attend rien. Et quand on sort en crabe comme si on n’avait plus qu’une patte -essayez donc voir- on traverse la route sans regarder en riant ivres morts et en se tapant dans le dos mais c’est pour se donner du courage, pour qu’on se revoie demain, et tous on espère qu’elle va passer. La bagnole. Celle qu’aura pas le temps de freiner.

Mais y’a pas vraiment de bagnoles par ici. Des camions pour la décharge juste. Ils vont, ils viennent, et eux et leurs chauffeurs ils partent très vite pour oublier encore plus vite. Parce que le reste du monde doit être fait de gens bien. Et qu’il n’y a que les connards qui s’échouent ici. Ceux qu’ont pas de bol. Ou ceux qui y sont nés.

Putain comment j’ai fait pour naître ici. On dirait qu’c’est un endroit qui n’existe pas.

mardi 2 octobre 2007

Schizo-Roger

Je m’apprêtais à ouvrir un tube d'aspirine lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air iodé quand j’ai entrebâillé ma tête et laissé entrer... Roger.
Les marins sont secs. Rongés par le sel. Les muscles en récifs et des ravins sous les veines, le corps érodé par la mer et sa langue râpeuse comme celle d'une chèvre. La peau en écailles de soleil et les yeux en reflets, les iris comme des phares et les cils en corail.
Les marins sont secs. Et lui est comme tous, et dans ses veines c'est l'océan qui coule.
On ne sait plus qui du bout' ou de la main est en crins, et s'il fixe l'horizon ou si c'est l'horizon qui le regarde longuement comme pour le jauger, et qui l'appelle. Quand il rentre sur la terre ferme elle est mouvante et il tangue et se rattrape aux murs et son univers bascule jusqu'à ce qu'il reparte et que ses jambes enfin cessent de trembler sur les flots.
Maintenant c'est la nuit. C'est la nuit et il ne peut pas dormir parce que c'est la dernière. Après c'est la retraite. On ne veut plus de lui. Trop vieux. C'est la nuit et la mer n'est plus en berceau, et il regarde l'écume qui vole comme un crachat sur son visage. L'océan qui le renie. La rupture qui fait mal. Et l'avenir qui fuit. La dernière nuit et il ne veut pas qu'elle finisse, que le soleil pousse la lune et change les reflets blancs bleutés en dorures, que le bateau s'éveille et qu'il faille faire cap sur la ville. Et avoir les jambes qui flagellent. Le coeur qui dérive. Et chavirer.
Alors il a juré fidélité et puis il est monté dans le petit zodiaque qui dormait contre le flanc du bateau, la corde dénouée comme une caresse sur sa paume. Lui, le zodiaque, et le matériel pour une plongée. Il a lancé le moteur et rattrapé l'horizon, aux confins de l'essence du réservoir. Il a ajusté son gilet à la bouteille en regardant la surface aux vaguelettes de lune. Mis le détendeur en cherchant des yeux autre chose que l'océan mais il n'y avait rien d'autre; le manomètre affichait deux cents bar mais il ne le regarde pas ça n'a pas d'importance là où il va. Enfilé une partie de sa vie et ses palmes et son masque et ses poids. Et s'est laissé glissé dans l'eau. Puis il est tombé.
Et dessous il n'y avait que du noir et puis lui et sa torche sur rien ou plutôt sur tout.
Il tombe et il équilibre et il continue de se laisser tomber et d'équilibrer. Il attend l'ivresse mais elle ne vient pas. Il stabilise à cent mètres. Pourquoi ? Pour rien, comme ça. Et l'ivresse qui ne vient toujours pas. Il n'a pas fallu longtemps pour que son air se fasse rare, à chaque seconde il attend la dernière bouffée, ça va faire comme un vide, une plainte et après ça va commencer.
Dans la lumière de sa torche quelques yeux brillent, aux premières loges.
C'est le moment. Et il commence à avoir mal et ses yeux se révulsent et il veut remonter et il hurle et panique et il n'y a rien de pire et il crache son embout buccal et prend une grande bouffée d'eau comme une goulée de mort et il n'a jamais rien connu d'aussi horrible c'est comme si, c'est comme si... rien, c'est comme rien d'imaginable mais pourvu que ca finisse et quelque chose le pousse c'est monstrueux et lui tire l'épaule "Papy" et puis encore "Papy...??" avec plus d'insistance et deux mirettes brunes comme la terre apparaissent devant lui comme une bouée.

- Papy, tu viens à la plage avec nous ?
- Laisse le finir sa sieste ma puce, tu sais bien que Papy n'aime pas l'eau... Le seul de la famille, si c'est pas bizarre !
- C'est pourtant si joli...

Les marins sont secs. Rongés par le sel. Les muscles en récifs et des ravins sous les veines et dedans y'a l'océan qui coule... L'océan, pas la frousse.