Je m’apprêtais à ouvrir le pot de confiture lorsqu’à l’intérieur de moi quelqu’un a frappé. Ça a fait comme un grand courant d’air d’avant quand j’ai entrebaillé ma tête, et laissé entrer… John.
Quand j’avais six ans, Père m’a surpris dans la grange avec ces huit chatons qu’une vieille chatte avait mis au monde et puis elle était morte.
“Je vais leur chercher du lait, Père”
“Bien sûr que non. Tu vas faire ton premier geste d’homme.”
J’ai pleuré en jetant un par un leurs petits corps sur le mur en pierre. À celui qui bougeait encore, je n’avais pas dû le lancer assez fort, mon père a écrasé la tête avec sa botte en cuir. Après j’ai nettoyé, “ça va attirer la vermine” avait dit Père en partant.
Quand j’ai eu treize ans il y a eu cette jument de trait qu’un tendon enflé faisait boiter. Elle n’était plus toute jeune et peinait lors du labour. Salomon, l’homme qui la dirigeait, avait une tendresse particulière pour elle et quand Père les regardait tous les deux, Salomon poussait un peu plus pour aider la jument baie, pour qu’elle boîte moins, pour que Père n’ait pas à me tendre le fusil un soir. Du repos, et quelques cataplasmes, c’est tout ce qui lui fallait. Ce soir-là le soleil qui se couchait sur la Louisiane a sali les nuages d’un rouge sang.
Quand Père une main sur l’épaule m’a dit “ Bien. Voilà ce qu’un homme doit faire.”, je regardais le champ où le maïs bientôt pousserait grace à elle, et grace à Salomon qui s’éloignait en pleurant, les épaules courbées comme si elles allaient choir.
Quand j’avais quinze ans Père m’a fait venir avec lui au village nègre. Le soleil était levé et ce vieil homme restait couché, il tremblait de fièvre. Il aurait déjà dû être à la plantation.
“Conduis-toi en homme” m’a dit mon père en me tendant le fouet.
Je l’ai fouetté le moins fort possible mais avec de grands gestes pour que mon père ne s’aperçoive de rien et ne décide pas de finir le travail à ma place. Le moins fort possible mais quand il s’est dirigé vers le champ de coton en titubant, du sang perlait sous sa chemise sale. Père a sourit de fierté en me regardant.
A vingt ans je me suis aussi conduit en homme. Et puis après, toujours en homme. Dans l’immense demeure de Père, je buvais du Whisky avec des hommes, je riais avec des hommes.
“ Que ce serait beau la Louisiane sans tous ces nègres !”
“ Ha ha, quand même, s’il n’y avait pas les nègres, qui cultiverait nos champs ??”
“Ha ha ! passe-moi la bouteille Bill.”
A vingt-cinq ans j’étais à la gin-house pour peser les paniers de coton des esclaves. En théorie en dessous du poids il y avait sanction. Je trichais en notant la pesée sur le carnet et les hommes et les femmes arrêtaient de trembler et leurs yeux se baissaient, ces yeux-là n’avaient plus la force de dire merci. Je les regardais s’en retourner vers le village quand j’ai entendu des cris. Je me suis précipité et j’ai vu cette petite fille qui hurlait, protégée par les bras de sa mère. Un homme, le visage en sang, regardait mon père à terre, le poing tuméfié, qui s’était ridiculement coincé la cheville dans un trou du chemin. Il était rouge de rage et en sueur de haine. Son fusil était quelques mètres plus loin, il l’avait perdu lors de sa chute. Père m’a regardé et m’a dit “Prends le fusil Fils”.
Alors j’ai pris le fusil.
Posé le doigt sur la détente.
Regardé l’homme, sa femme et la petite fille.
Et visé Père.
Il pleurait de surprise et son pantalon s’est souillé, j’ai senti cette odeur ammoniaquée de la peur et je lui ai dit “Conduis-toi en homme Père”.
Quand j’avais six ans, Père m’a surpris dans la grange avec ces huit chatons qu’une vieille chatte avait mis au monde et puis elle était morte.
“Je vais leur chercher du lait, Père”
“Bien sûr que non. Tu vas faire ton premier geste d’homme.”
J’ai pleuré en jetant un par un leurs petits corps sur le mur en pierre. À celui qui bougeait encore, je n’avais pas dû le lancer assez fort, mon père a écrasé la tête avec sa botte en cuir. Après j’ai nettoyé, “ça va attirer la vermine” avait dit Père en partant.
Quand j’ai eu treize ans il y a eu cette jument de trait qu’un tendon enflé faisait boiter. Elle n’était plus toute jeune et peinait lors du labour. Salomon, l’homme qui la dirigeait, avait une tendresse particulière pour elle et quand Père les regardait tous les deux, Salomon poussait un peu plus pour aider la jument baie, pour qu’elle boîte moins, pour que Père n’ait pas à me tendre le fusil un soir. Du repos, et quelques cataplasmes, c’est tout ce qui lui fallait. Ce soir-là le soleil qui se couchait sur la Louisiane a sali les nuages d’un rouge sang.
Quand Père une main sur l’épaule m’a dit “ Bien. Voilà ce qu’un homme doit faire.”, je regardais le champ où le maïs bientôt pousserait grace à elle, et grace à Salomon qui s’éloignait en pleurant, les épaules courbées comme si elles allaient choir.
Quand j’avais quinze ans Père m’a fait venir avec lui au village nègre. Le soleil était levé et ce vieil homme restait couché, il tremblait de fièvre. Il aurait déjà dû être à la plantation.
“Conduis-toi en homme” m’a dit mon père en me tendant le fouet.
Je l’ai fouetté le moins fort possible mais avec de grands gestes pour que mon père ne s’aperçoive de rien et ne décide pas de finir le travail à ma place. Le moins fort possible mais quand il s’est dirigé vers le champ de coton en titubant, du sang perlait sous sa chemise sale. Père a sourit de fierté en me regardant.
A vingt ans je me suis aussi conduit en homme. Et puis après, toujours en homme. Dans l’immense demeure de Père, je buvais du Whisky avec des hommes, je riais avec des hommes.
“ Que ce serait beau la Louisiane sans tous ces nègres !”
“ Ha ha, quand même, s’il n’y avait pas les nègres, qui cultiverait nos champs ??”
“Ha ha ! passe-moi la bouteille Bill.”
A vingt-cinq ans j’étais à la gin-house pour peser les paniers de coton des esclaves. En théorie en dessous du poids il y avait sanction. Je trichais en notant la pesée sur le carnet et les hommes et les femmes arrêtaient de trembler et leurs yeux se baissaient, ces yeux-là n’avaient plus la force de dire merci. Je les regardais s’en retourner vers le village quand j’ai entendu des cris. Je me suis précipité et j’ai vu cette petite fille qui hurlait, protégée par les bras de sa mère. Un homme, le visage en sang, regardait mon père à terre, le poing tuméfié, qui s’était ridiculement coincé la cheville dans un trou du chemin. Il était rouge de rage et en sueur de haine. Son fusil était quelques mètres plus loin, il l’avait perdu lors de sa chute. Père m’a regardé et m’a dit “Prends le fusil Fils”.
Alors j’ai pris le fusil.
Posé le doigt sur la détente.
Regardé l’homme, sa femme et la petite fille.
Et visé Père.
Il pleurait de surprise et son pantalon s’est souillé, j’ai senti cette odeur ammoniaquée de la peur et je lui ai dit “Conduis-toi en homme Père”.
6 commentaires:
C'est aussi peu gai que chez l'Arpenteur, et - si je puis me permettre - aussi prévisible. L'avantage, c'est que c'est aussi super agréable à lire.
Bien sûr que tu peux te permettre STV, et voui, je suis d'accord avec toi, c'est prévisible. La fin devait être différente et puis au dernier moment, je n'ai pas pu m'empêcher !! je pars me flageller !
L'effet de surprise est-il obligatoire pour faire un bon texte ? Je ne le crois pas. Savoir dès le début où tu veux nous emmener permet aussi d'apprécier le chemin que tu nous fais emprunter. C'était juste une remarque en passant :)
J'espère que t'as commencé par les genoux.
Stv, mille sabords ! je viens de finir de me flageller, ouille ouille ;)
meryllb, non, j'ai commencé par les couilles.
Et dire que cette époque n'est pas si éloignée de la nôtre, et qu'il y en a encore qui pensent de la sorte!
Moi j'aime bien la fin prévisible et méritée, comme dit STV c'est le cheminement qui est important.
Enregistrer un commentaire